p58 En présence de cette situation, la question subsiste en Occident : « Que pouvons-nous faire contre cette menace ? »
Notre psyché est en premier lieu responsable de tous les modifications historiques qui ont été imprimées par la main de l’homme à notre planète (…).
P171 En fait, on peut dire que l’on est encore aujourd’hui inconscient du fait que chaque individu est une pierre dans la construction des organismes politiques, et même des structures qui se dressent à l’échelle mondiale (…)
1) Ralentir et prendre le temps de se connaître
p93 Il n’est malheureusement que trop évident que si l’être –en son particulier- ne réussit pas à se rénover sur la plan de la psyché, la société –somme d’individus en quête de renouvellement, de libération, de salut et de rédemption-y parviendra encore moins.
P101 L’homme saisi dans une communauté ne subit en tant qu’être intérieur aucune transformation.
P13 A cause, en particulier, du fait que l’homme réputé normal ne dispose que d’une connaissance fort limitée de lui-même.
On confond en général la connaissance de soi avec la connaissance de son moi conscient, que l’on tient pour sa personnalité. Quiconque dispose tant soit peu de conscience de son moi (NdT : Ce qui n’est déjà pas si fréquent et n’est déjà pas si mal.) croit naturellement, avec la plus grande assurance, se connaître. Or, le moi ne connait que ses propres contenus(…)
P15 Il faut, en outre, compter avec cet immense domaine de l’inconscience, qui est hors de portée de la critique et du contrôle de notre conscient(…)
P18 Ainsi, ce n’est pas la conformité à une norme générale et régulière, mais bien plus son unicité qui fonde l’individu en tant que tel.
P23 Or, c’est l’individu qui, en tant que donnée irrationnelle, est le véritable porteur de la réalité. C’est dire que c’est l’individu qui est l’homme concret, par opposition à l’homme normal où à l’homme idéal qui, lui, est une abstraction, cette abstraction étant la seule base des formulations scientifiques.
P43 L’homme qui n’est pas ancré dans le divin (/la nature) n’est pas en mesure de résister, par la seule vertu de son opinion personnelle, à la puissance physique et morale qui émane du monde extérieur. Pour s’affirmer en face de ce dernier, l’homme a besoin de l’évidence de son expérience intérieure, de son vécu transcendant, qui seuls peuvent lui épargner l’inévitable glissement dans la masse collective.
P148 149 Car le point d’origine d’une croyance véritable n’est pas le conscient, mais une expérience religieuse spontanée(…) cette certitude qui est le seul rempart qui puisse me protéger, moi homme isolé, de la dissolution dans la masse.
P69 Les deux camps qui se partagent le monde ont en commun une finalité matérialiste et collectiviste et à tous deux il manque ce qui exprime l’homme en totalité, ce qui le promeut, le construit, le fait vibrer, le rend sensible, c’est-à-dire en bref ce qui met l’être individuel au centre de toute chose comme mesure, réalité et justification.
P174 A cette fin on fait appel à l’idéalisme, l’enthousiasme, et à la conscience éthique.
P185 Comme au début de l’ère chrétienne se pose aujourd’hui à nouveau le problème de l’arriération morale, dont est frappée l’humanité en général et qui se révèle être tragiquement inadéquate au développement moderne, scientifique, technique et social.
Bonheur et satisfaction, équilibre psychique et sens de la vie, sont des états d’âme dont seul l’individu peut faire l’expérience en les vivant et non point l’Etat (…)
Les circonstances sociales et politiques d’une époque sont certes d’une importance considérable. Mais elles sont démesurément surestimées dans leur importance pour le bonheur et le malheur de l’individu.
2) Résister aux pressions extérieures pour vivre comme on le souhaite
P30 Que veut dire l’importance qu’il attache à sa personne ou aux membres de sa famille, ou à ceux d’entre ses amis qu’il estime particulièrement, sinon qu’elle exprime la subjectivité un peu ridicule de ses sentiments ?
P52 Comme une addition de zéros n’a jamais donné l’unité, la valeur d’une communauté correspond à la moyenne intellectuelle et morale des individus qu’elle comprend dans son sein.
3) Prendre conscience que nous appartenons à une espèce meurtrière (l’ombre)
P172 Rien n’a une action aussi dissolvante et aliénante au sein de la société que précisément cette sorte de commodité morale, d’irresponsabilité (…) ces corrections nécessaires exigent en premier lieu l’autocritique de l’individu. On ne peut dépister et reconnaître le préjugé et l’illusion que si, partant d’un savoir et d’une position psychologique générale, on est prêt au sens le plus vaste à douter de l’exactitude absolue de ses suppositions et à les comparer une à une, avec soin et conscience avec les données objectives.
P 161 L’européen doit encore assumer la responsabilité de tous les crimes commis sur les peuples exotiques, lors de la fondation des colonies. (…) Cette tare de l’homme, sa tendance au mal est infiniment plus lourde qu’il n’y paraît et c’est bien à tort qu’elle est sous-estimée. Comme on se complait en général à l’opinion que l’homme est ce que son conscient sait de lui-même, on se prend pour inoffensif, ajoutant ainsi à la méchanceté une stupidité qui lui correspond.
P162 163 (…) par conséquent je suis un être qui est coresponsable et qui possède dans son essence, inexpugnables et immuables, la capacité et la tendance à commettre de pareilles actions à tout moment. (…) nous n’en sommes pas moins, en fonction de notre nature d’homme, des criminels en puissance. (…) Que l’action abominable ait été commise il y a bien des générations ou qu’elle se produise aujourd’hui, elle reste le symptôme d’une disposition existant partout et toujours, et c’est pourquoi il est prudent de savoir qu’on possède une « imagination dans le mal » car seul l’imbécile croit pouvoir se permettre d’ignorer et de négliger les conditionnements de sa propre espèce.
P169 Voilà le grand problème qui se pose aujourd’hui : la raison seule ne suffit plus. (manque structure morale)
P175 Tous les idéalismes prêchés avec ostentation sonnent un peu creux et ne deviennent acceptables que lorsqu’on tient compte aussi de leur contraire. Sans ce dernier, sans ce contrepoids des contraires (…) à force de manquer d’humour, il devient peu vraisemblable.
La peur de la destruction générale nous épargnera peut-être le pire ; mais sa possibilité plane et planera, telle de noires nuées, sur notre existence, tant que n’aura pas été trouvé un pont qui permette de surmonter et de franchir la dissociation politique du monde et de l’âme. Ce pont devra être aussi sûr que l’est l’existence de la bombe à l’hydrogène.
4) Renforcer les liens affectifs: famille, amis, …
P 173 Plus les individus sont désagrégés les uns par rapport aux autres, moins ils sont enracinés dans des relations stables, plus ils sont susceptibles de se raccrocher à l’organisation étatique, plus celle-ci peut se densifier et vice-versa.
p175 Connaître et accepter son ombre achemine à cette modestie qui est nécessaire à la reconnaissance de son imperfection. Mais précisément c’est cela, l’acceptation consciente de ses petitesses et la prise en considération de ses mesquineries personnelles et de ses imperfections, qui est l’attitude la plus nécessaire chaque fois qu’il s’agit d’établir une relation humaine. (…) Ce qui est parfait n’a que faire de l’autre alors que ce qui est faible cherche un adossement et par conséquent, n’oppose rien au partenaire qui le coince dans une position subordonnée ou qui l’humilie dans une supériorité morale.
P176 La question des relations humaines et des rapports inter-humains dans le cadre de notre société est devenue un souci urgent en face de l’atomisation des hommes « massifiés », simplement entassés les uns sur les autres et dont les interrelations personnelles sont minées par une méfiance généralisée.
Lorsque les fluctuations du droit, l’espionnage policier et la terreur sont à l’œuvre, les hommes sont acculés à l’isolement et à n’être que des parcelles menacées, ce qui cadre avec le but et l’intention de l’Etat dictatorial, qui repose ainsi sur l’amoncellement aussi massif que possible d’unités sociales impuissantes. En face de ce danger, la société libre a besoin d’un liant de nature affective, comme en sont un, par exemple, la charité ou l’amour chrétien du prochain. C’est de la relation d’homme à homme que dépend sa cohésion, et par conséquent aussi sa force. Là où cesse l’amour, commence la puissance, l’emprise violente et la terreur.
5) Prendre conscience qu’il faudra peut-être (sans doute…) des centaines d’années…pour arriver à un monde plus juste
Tout ce que je sais, c’est qu’il faudra du temps pour amener des modifications psychiques dont on pourra compter une certaine stabilité. Une connaissance, une compréhension qui pointent, s’esquissent et vont lentement leur chemin me semblent promettre une efficacité plus durable qu’un idéalisme qui ne jette sa flamme que pour s’éteindre.
P182 Quiconque a pris conscience de ses motivations vraies et s’est ouvert ainsi une voie vers l’inconscient exerce, sans même en avoir conscience, un effet sur son entourage. Le mana est une influence involontaire sur l’inconscient d’autrui, en quelque sorte un prestige inconscient qui toutefois ne garde son efficacité que tant qu’il n’est pas perturbé dans sa spontanéité par des intentions secondes.
P 181 L’influence que l’on souhaiterait avoir sur tous les individus peut très bien se faire attendre des centaines d’années, car la modification mentale de l’humanité se produit, de façon presque insensible, au pas lent des millénaires, et elle ne se laisse ni accélérer ni retarder par des processus de réflexion rationnelle. Encore bien moins est-il question de réaliser cette efficacité en l’espace d’une génération.
P183 Les efforts entrepris pour actualiser en l’homme une connaissance de lui-même ne sont point aussi vains et aussi désespérés qu’il peut sembler, dans la mesure où il existe un facteur jusqu’à présent totalement méconnu, et vient, secourable, au-devant de nos efforts : c’est l’esprit inconscient du temps, qui compense l’attitude du conscient et qui anticipe intuitivement sur les modifications à venir.