Lorsqu’on prête attention à ses rêves et à cette partie de nous présente à l’arrière-plan, il y a tout d’abord une phase, longue de quelques années, où le symbolisme va émerger sans discontinuer. Durant cette phase sont ramenés à la surface des éléments concernant notre histoire et nos problématiques, et à travers lesquels on apprend à mieux se connaître, à découvrir et redécouvrir nos points forts, nos blocages et nos failles. Une partie du contenu concerne aussi notre famille, dans le sens d’une transmission trans-générationnelle. Tout cela inclut des éléments négatifs, comme positifs, qui sont compréhensibles au moyen de la symbolique : on va rêver de nos parents, de voiture, de maison, etc.
Cette dynamique chez moi a duré approximativement 3 années à l’âge adulte (de 34 à 37 ans environ, mais j’avais depuis l’adolescence prêté attention à mes rêves sauf pendant les périodes très actives et constructives à l’extérieur, durant lesquelles ceux-ci se manifestent moins). Puis, à partir d’un rêve archétypique extrêmement fort, parallèlement aux contenus symboliques, ont commencé à apparaître des éléments que je ne pouvais plus comprendre à la lumière du symbolisme.
Pour ce rêve en particulier et d’autres qui ont suivi, j’ai mis plusieurs jours et parfois beaucoup plus longtemps à en comprendre le rapport avec les mythes, les religions, l’inconscient collectif, dont ils se faisaient pourtant l’écho, puis à en comprendre le sens me concernant.
Revenons tout d’abord sur ce rêve inaugural ou résolutoire, très important quoiqu’il en soit, (à la manière du premier rêve que je fis à l’âge de 5 ans) dont voici les grandes lignes.
Je suis dans un jardin, non loin de dans ma maison d’enfance, avec mon mari et nous jardinons. Un petit varan tourne autour de notre jardin, son itinéraire est carré. Il grossit au fur et à mesure qu’il avance. Arrivé aux trois quarts de son carré, devenu énorme, il se précipite vers moi. Terrorisée mais déterminée, j’attrape un bâton très large pour me battre contre lui, je réussis et il disparait.
Un peu plus tard, je m’aperçois que de nombreux rochers, très gros, passent dans le ciel. Je comprends qu’ils vont tomber et je crie à mon mari de venir se réfugier avec moi dans la maison (d’enfance). La porte-fenêtre est fermée, je crie à ma fille d’ouvrir mais elle ne comprend pas. Quand finalement elle ouvre, on entre in extremis. Mon mari a failli mourir et ma fille cadette, qui était aussi à l’intérieur, est blessée à l’œil.
Plus tard, dans la cuisine, nous sommes assis à la table. En face de moi, à la table familiale à la place de mes parents, un couple d’amis plus vieux que moi est assis.
Au réveil, je suis choquée par ce rêve très violent, qui me retourne pendant plusieurs jours. Ses contenus me bouleversent, me font craindre pour ma santé mentale. Le bruit assourdissant des rochers dans le rêve est inédit. Jamais je n’ai rêvé d’un bruit si tonitruant. L’émotion contenue dans celui-ci est immense également. Il est inutile de mentionner que ce rêve est composé de trois parties, en triptyque et donc qu’il s’agit d’un « grand rêve » tant son impact sur moi est grand.
A la différence des rêves symboliques de l’inconscient personnel, je ne trouve aucune explication dans mes recherches symboliques concernant le « varan géant » ou les « rochers tombant du ciel ». Plusieurs jours plus, tard, je pense au mot « Apocalypse ». (Je n’ai pas eu d’éducation religieuse chrétienne et cela m’est donc venu tardivement, alors que je continuais à penser à ce rêve et à me questionner à son sujet.) Je me rends sur le site de Tristan Moir, où on peut écouter des extraits d’émissions d’interprétation de rêves et y trouve deux cas de rêve d’Apocalypse. L’interprétation fait par Tristan parle de l’effondrement de la personnalité (névrosée ? Enfantine ?) initiale, laissant la place certes à un vide provisoire mais aussi à la possibilité de construire notre vraie personnalité. Le parallèle avec l’Apocalypse, la fin du monde a cette signification : il s’agit de la fin d’un monde, celui de l’enfance. D’autre part, étymologiquement, « Apocalypse » signifie « révélation ».
Rassurée, je reprends mes activités. Il s’agit d’un des deux rêves les plus importants de ma vie. D’où vient cette image, cette situation d’Apocalypse : pas du catéchisme, pas vraiment de ma culture personnelle, car pour moi, il s’agissait juste de « rochers ». Et lorsque le varan me fit penser à St Georges et le dragon, ce fût des mois plus tard…
Cathédrale de Bâle, où vécut Jung (Suisse)
Toutes ces images ne sont pas des symboles. Il s’agit de situations archétypiques issues de l’inconscient collectif, la différence en est que d’une part, on ne peut les comprendre par le simple symbolisme et que d’autre part, la charge énergétique et émotionnelle en est énorme. Enfin, les détails d’une telle situation varient d’un individu à l’autre, même si le thème reste inchangé (un peu comme dans les différentes version d’un conte, dont le message reste néanmoins le même). Dans la vie diurne, cette période eût sur ma vie un impact tel que je sentis une énergie et un sentiment d’amour affluer en moi, témoins d’un bouleversement psychique sans précédent.
J’ai abordé dans d’autres articles quelques éléments issus de l’inconscient collectif auxquels j’ai été confrontée, principalement après la période de ce rêve et pour lesquels j’ai dû faire des recherches dans les mythes, religions, cultures humains avant de pouvoir comprendre en quoi elles avaient un sens dans ma problématique psychique du moment.
Cf:
-articles traitant des images inconscientes qui ont inspiré les représentations du jeu de tarot.
-ceux traitant des synchonicités: exemple de la création de l’homme (chapelle Sixtine et statue d’Adam)
-les deux rêves du « troisième œil » dans l’article sur les centres énergétiques
Voici d’autres exemples de rêves que j’ai faits et qui sont issus de l’inconscient collectif :
–Je suis à bord d’un bateau qui est en en fait une petite église en ruine, entourée de petits animaux, notamment des mammifères. Le lien entre la nef de l’église et la nef de Noé s’est fait quelques jours après le rêve. (Nouveau départ après la mort symbolique d’une personne qui renait à elle-même.)
Ce qui est drôle, c’est que j’ai il y a un an libéré deux corneilles piégées dans la réalité. J’ai pu en admirant le plafond de l’église St Savin sur Gartempe le mois dernier, voir que Noé libéra une corneille au moment de prendre la mer avec ses animaux. Encore une fois, un clin d’œil synchronistique.
Vitraux XVIe siècle, église St Etienne du Mont, Paris
– Deux rêves de déesses primordiales païennes et deux rêves de la Vierge Marie (statues), dont une colorée en bleu très vif (mais que vient-elle faire dans les rêves d’une femme athée !?)
Eglise près de Royan
– Rêve où je monte à un arbre (deux fois) ou à une échelle, tenant toute seule vers le ciel. (Image symbolique du devenir de personnes chamanes)
–Cygne recouvert de suie, descendant dans une cheminée, recouvert de cendres (après la mort d’une brebis)+ Rêve de sacrifice d’agneau dans une fosse. Phoenix renaissant de ses cendres et sacrifice d’agneau.
Bâle toujours…
–Rêve d’Ondine (anima négative)
-Rêve où je porte un voile. (mystère et puissances féminins levant sous le voile comme la pâte sous le torchon)
Ces exemples ne sont pas exhaustifs, mais donnent un aperçu des contenus de ce patrimoine instinctif et imagé humain.
Si l’on admet que ces archétypes issus de l’inconscient collectif sont accessibles ou présents en chacun d’entre nous, humains, homo sapiens, et que dans le même temps, ils appartiennent (ainsi que le dit Jung) à nos instincts: où sont-ils inscrits ? Où se trouve cet inconscient collectif ?
Certains pensent que cet inconscient collectif vit à l’extérieur de nous. Comme Jung disant que les rêves partagés entre deux personnes ont lieu à l’extérieur de nous, en un lieu commun (voir article « Rêves partagés etc. »)
L’hypothèse des gènes m’interpelle. C’est à cet endroit que les instincts des animaux sont inscrits, et qu’ils sont modifiés aussi au gré des vécus des générations. Instincts solides, à la base des espèces ou comportements de surface issus de la manière dont un gène s’exprime ou pas (une souris stressée et l’expression de certains gènes est modifiée pour 3 générations de souris : l’expression, non pas le gène). Tout cela pour l’adaptation, l’évolution et la survie de l’espèce.
Et si cela pouvait expliquer la transmission de cet aspect de la nature humaine ? Si nos ancêtres imprimaient dans leurs gènes leur vécu, le transmettant à leurs enfants au moment de la conception ? Et si, même après, selon la théorie des particules intriquées de la physique quantique, les gènes que nous partageons avec d’autres communiquaient, comme dans un système de wi-fi ?
Ces personnes qui croient aux vies antérieures (je pense à une biokinergiste qui m’a donné des éléments qui selon elle touchaient « mes vies antérieures » mais qui dans l’état des choses correspondaient à ma vie actuelle…) ont peut-être un accès particulier à ce qui est simplement inscrit dans leur matériel génétique ? Imprimé par les générations précédentes ou par des personnes qui possèdent les mêmes gènes qu’elles. Peut-être, du fait qu’elles portent ces informations dans leur corps, pensent-elles que ce sont elles qui les ont vécues?
Tout cela n’est que plan sur la comète mais si l’on doit comprendre où se trouvent l’inconscient personnel de nos souvenirs refoulés et l’inconscient collectif de nos instincts humains, un peu particuliers, incluant des tendances religieuses, il ne me parait pas complètement absurde d’imaginer que leur exploration soit en fait celle de ce très mystérieux ADN, siège de la vie, d’une manière de plus en plus profonde.
L’autre aspect de cette immersion dans l’inconscient collectif est qu’elle permet de remonter dans le temps avant les difficultés et blocages d’enfance, dans notre patrimoine humain, pour y retrouver l’énergie et le sens nécessaires à reconstruire ce qui a manqué dans le début de la vie. Cela permet de résoudre certains conflits, lorsque l’on réussit à intégrer l’ambivalence de certains archétypes, en résonance avec les problématiques de notre vie. Mais cela n’est jamais de tout repos : n’oublions pas que la folie consiste justement à se trouver submergé par la puissance de ces images inconscientes.
Je termine en vous renvoyant à l’article « Connaissez-vous la femme », où vous pourrez profiter en musique ET en image de « Sphynx », une chanson du groupe « la femme », où fourmillent des images de cet inconscient collectif (davantage que ne pourront jamais en contenir les rêves d’une seule personne), et notamment une femme sur une croix enterrée qui pourrait bien symboliser l’époque vers laquelle nous nous dirigeons : après avoir passé deux mille ans à tendre vers l’unité du symbole du Christ (masculin, car société patriarcale rejetant la femme et le corps…), l’unité des siècles à venir pourrait passer par la réintégration du féminin dans le psychisme humain, doublé d’un retour au corps (la femme du clip sort de terre au lieu d’être en hauteur comme le Christ masculin, qui illustre parfaitement notre tendance à être trop dans l’intellect et la raison.) Je ne sais qui a réalisé ce clip, ni comment il a eu accès à ces images, mais il s’agit peut-être d’une inspiration visionnaire. L’art sert aussi à cela.
AVENIR DE L INCONSCIENT COLLECTIF: piste de réflexion: